Consultation publique sur la continuité écologique en rivière
Une consultation publique est organisée par le Ministère de la Transition Écologique et Solidaire sur un « projet de décret portant diverses modifications des dispositions du code de l’environnement relatives à la notion d’obstacle à la continuité écologique et au débit à laisser à l’aval des ouvrages en rivière ».
Cette consultation étant ouverte jusqu’à ce dimanche 27 août, n’hésitez pas à apporter votre contribution en déposant vous aussi un commentaire.
Ce projet de décret, en précisant les caractéristiques des ouvrages qui ne peuvent être autorisés en travers des cours d’eau classés, semble menacer de destruction les moulins anciens dont le seuil est supérieur à 50 cm. Pour plus de détails, voici notre argumentaire déposé sur la consultation publique, signée par les associations Patrimoine-Environnement, Rempart, la Demeure Historique et la Fédération française des Associations de Sauvegarde des Moulins :
Argumentaire déposé le 25 aout 2017 pour la consultation publique sur la continuité écologique en rivière
L’article 1 du projet de décret présente une importance particulière aux yeux des organisations signataires, dont plusieurs sont reconnues d’utilité publique, dans la mesure où il précise les caractéristiques des ouvrages qui ne peuvent être autorisés en travers des cours d’eau classés en tant que réservoirs de biodiversité ou (et) cheminements de poissons migrateurs ou (et) nécessitant la libre circulation des sédiments.
Il est important au point de vue patrimonial dans la mesure où il s’applique non seulement aux nouveaux ouvrages mais aussi aux ouvrages anciens. À ce titre il peut concerner d’anciens moulins à eau.
Tel que rédigé, le projet de décret aura pour effet, sur les cours d’eau classés, de rendre automatique la destruction des seuils ou barrages d’une hauteur supérieure à 50 cm quand il ne s’agira pas d’un ouvrage classé au titre des monuments historiques, des sites patrimoniaux ou de leurs abords. La quasi-totalité des seuils alimentant des moulins à eau est concernée sur ces cours d’eau. Les bâtiments ne sont concernés que s’ils constituent une partie de l’ouvrage hydraulique.
Précédemment, la destruction pouvait être imposée mais n’était pas systématique, il y avait évaluation de l’incidence réelle de l’ouvrage.
La notice explicative présente le nouveau texte comme la formalisation d’une doctrine administrative déjà en vigueur mais fragile au plan juridique, car ne résultant d’aucun texte législatif, l’article L214-17 du code de l’environnement ne prévoyant nullement une interdiction absolue.
Il n’est pas possible d’évoquer non plus la transposition de la directive européenne sur l’eau dans l’annexe V de la DCE 2000/60 CE traduite en droit national par la loi 2004-338. En effet, la directive n’impose pas le maintien ou le rétablissement des continuités écologiques dans les cours d’eau.
Sans doute tout ouvrage doit-il comporter « des dispositifs maintenant dans ce lit un débit minimal garantissant en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces vivant dans les eaux au moment de l’installation de l’ouvrage ainsi que, le cas échéant, des dispositifs empêchant la pénétration du poisson dans les canaux d’amenée et de fuite », mais cette obligation ne concerne que les ouvrages « à construire ».
Il n’est donc pas défendable de rendre obligatoire des travaux à forte incidence patrimoniale et, souvent, environnementale, sans qu’une évaluation environnementale permettant de parvenir à la meilleure solution ait eu lieu au préalable. En particulier s’agissant des moulins dont le droit d’eau est fondé en titre.
L’application de l’article L214-17 du code de l’environnement a donné lieu ces dernières années à de nombreuses difficultés soulignées par les associations patrimoniales, tant généralistes que spécialisées. Elles ont conduit à un contentieux devant le Conseil d’État. Le Sénat en a délibéré au cours de l’examen de la loi LCAP de juillet 2016.
Des aberrations pratiques ont été commises, ainsi :
– contrairement aux principes de la politique des énergies renouvelables, rien n’a été fait bien au contraire pour faciliter la transformation des moulins en générateurs d’électricité.
– le rôle déterminant de « concierge du cours d’eau » joué par les propriétaires de moulins pour faire observer les véritables objectifs de la directive européenne. En particulier s’agissant des rivières des listes 1, si elles sont toujours en bon état écologique dans un environnement aussi dégradé, c’est parce que leur système hydrologique a les capacités de les maintenir en bon état. Et ce système hydrologique performant inclut l’équipement réalisé par les hommes au fil des siècles. Les supprimer va inévitablement contribuer à affaiblir la capacité de régénération de cet écosystème fragile qu’il convient de protéger dans son intégralité pour en maintenir sa fonctionnalité, tout comme on le ferait pour un écosystème terrestre. L’eau, à savoir la propreté des eaux de surface a été complètement sous-estimée.
– on a parfois purement et simplement saccagé le régime des eaux assurant un débit suffisant dans les douves de châteaux historiques datant du Moyen-Age, provoquant ainsi des risques graves pour la maçonnerie.
– les moyens financiers mis à disposition des détenteurs de moulin pour faciliter le passage des poissons dans les deux sens (vers l’amont et vers l’aval) sont d’une faiblesse sans commune mesure avec les sommes budgétées pour araser des seuils de moulin existant depuis un millénaire (les moulins cisterciens notamment).
Nos associations contestent également le projet de création d’un nouvel article L 214-109 au II, dans la mesure où sa rédaction envisage de confondre construction et reconstruction, interdisant ainsi la réhabilitation d’un seuil ancien. Il serait ainsi créé une atteinte à une jurisprudence qui a mis du temps à se créer et qui permet la réhabilitation d’immeubles même en ruines dans l’intérêt du patrimoine de proximité ou de pays. Ce qui devrait compter c’est le fait que le moulin et son système hydraulique a été construit il y a quelques siècles et qu’en ce sens il mérite la reconstruction ou réhabilitation.
L’attention du gouvernement est particulièrement attirée sur l’engouement du public à l’endroit des moulins qui se manifeste très largement lors des journées d’ouverture au public que sont chaque année : les journées du Patrimoine de pays et des moulins et les journées européennes du Patrimoine. L’intérêt pour l’architecture particulière de ces édifices qui font depuis plusieurs centaines d’années partie du paysage, celui qui se porte sur les techniques de fabrication de la farine en lien avec la consommation renouvelée dans les boulangeries de tous types anciens de ces farines, et le lien entre l’organisation des rivières, les écluses et les biefs qui sont autant d’ éléments de paysages au terme de la convention européenne qui protège ceux-ci.
Pour toutes ces raisons, les organisations signataires demandent que le projet de décret soumis à la consultation du public soit soumis à une évaluation environnementale sérieuse qui devra tenir compte des études scientifiques des cinq experts indépendants auditionnés par la commission du développement durable de l’Assemblée Nationale et qui ont aussi émis un avis négatif sur la restauration de la continuité écologique, un avis qui rejoint celui des enquêteurs du CGEDD qui suggèrent aussi un réel partage des usages de l’eau, avis qui ont été suivis par les parlementaires qui ont modifié à l’unanimité l’article L214-18-1 qui dispense les moulins susceptibles de produire de l’énergie des mises aux normes relatives à la continuité écologique.
Quant aux rivières aux listes 1, si elles sont toujours en bon état écologique dans un environnement aussi dégradé, c’est parce que leur système hydrologique a les capacités de les maintenir en bon état. Et ce système hydrologique performant inclut l’équipement réalisé par les hommes au fil des siècles. Les supprimer va inévitablement contribuer à affaiblir la capacité de régénération de cet écosystème fragile qu’il convient de protéger dans son intégralité pour en maintenir sa fonctionnalité, tout comme on le ferait pour un écosystème terrestre.
Elles rappellent également que conformément à l’article 7 de la charte de l’environnement, elles sont à la disposition du gouvernement pour « participer à l’élaboration » de la décision proposée avec les compétences qui sont les siennes dans ce domaine.
Signataires :
Patrimoine-Environnement
Rempart
La Demeure historique
Fédération française des Associations de Sauvegarde des Moulins