Au trente et un du mois d’Août…
Au trente et un du mois d’août il vient toujours sous le vent de l’été, une frégate chargée de périls. C’est un usage qui se passe d’un gouvernement à l’autre depuis des temps immémoriaux. Cette année n’a pas dérogé au rituel. Faisons le point de la saison.
Le 30 mai le premier ministre a pris un décret « relatif aux travaux d’’isolation en cas de travaux de ravalement de façade, de réfection de toiture ou d’aménagement de locaux en vue de les rendre habitables ». C’est le 27 juillet qu’il a fallu que Patrimoine-Environnement avec quatre autres associations du G8 Patrimoine saisisse Manuel Valls d’un recours gracieux en lui demandant de retirer ce décret.
Pour faire court, il vous souvient que le Sénat avait corrigé, suivi en deuxième lecture de l’Assemblée Nationale le texte du projet de loi dit « transition énergétique pour la croissance verte » afin d’empêcher que l’isolation par l’extérieur, fleuron des vendeurs de matériaux soutenu par des forces obscures, soit rendue obligatoire y compris pour les immeubles datant de la période d’avant-guerre qui n’en ont aucun besoin. Nous pensions alors avoir sauvé les maisons à pan de bois, les façades ornées et bien d’autres qui risquaient un emballage « à la Christo ». Nous avions gagné une bataille, mais pas la guerre !
C’était sans compter sur les rédacteurs de décrets qui, non seulement ont inventé une usine à gaz pour décourager les propriétaires de bénéficier de l’exonération de plein droit de l’obligation générale d’empaquetage, en édictant une liste de critères à faire peur pour obtenir ce résultat. Mais ils ont également créé, ex nihilo, l’obligation de recourir à un professionnel pour attester de la réalité de l’existence des dits critères. Du tout bénéfice pour les professionnels notamment architectes qui proposeront cette prestation experte.
Ainsi le propriétaire d’une maison à pan de bois qui envisagera des travaux sur sa façade sera soumis à l’obligation d’isolation par l’extérieur sauf s’il produit et donc paye, l’avis d’un professionnel qui attestera l’évidence : à savoir que cette isolation qui empêchera ses murs de respirer, risque de créer une pathologie du bâti, ou que l’isolation entrainera des modifications d’aspect contraires aux règles de protection, ou encore qu’il y a disproportion entre les avantages à tirer de l’isolation et les inconvénients.
Le délai imparti par les textes au premier ministre pour nous répondre expire la dernière semaine de septembre. À ce jour malgré un article du Canard Enchainé (c’est plutôt rare que ce volatile se mêle de patrimoine), des retombées de presse dans le Figaro, et dans le Moniteur, un reportage dans le « 13 heures » de TF1, le gouvernement reste taisant.
Il va falloir se préparer à une campagne de signatures à bref délai. Préparez vos stylos !
Le 3 août c’est une ordonnance signé du président de la République qui organise « l’information et la participation du public à l’élaboration de certaines décisions susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement».
Vous savez combien nous sommes attachés à la mise en œuvre dans notre droit et dans nos codes de l’article 7 de la Charte de l’environnement introduit en 2005 par le président Chirac dans la constitution. Cette nouvelle manière de pratiquer la démocratie locale en permettant que la société civile soit associée aux processus de décision lorsqu’elle touche à notre cadre de vie nous parait essentielle.
De nombreuses décisions de jurisprudence, du conseil constitutionnel et du conseil d’Etat avaient préparé le terrain. Nous étions donc bien disposés :
Mais, faut-il le dire, la lecture, puis la relecture de cette ordonnance est quasiment inintelligible pour un cerveau ordinaire : je me sens incapable de vous la résumer en quelques mots. Je vous renvoie donc à plus tard pour l’explication de texte.
Le même jour le président de la République a signé une autre ordonnance « relative à la modification des règles applicables à l’évaluation environnementale des projets, plans et programmes ». En clair l’obligation d’obtenir l’avis d’une « autorité environnementale » figurait dans toute une série de dispositions du code de l’environnement, ceci, pour satisfaire à une directive européenne. Critiquée sur sa manière d’appliquer cette directive, la France remet de l’ordre dans son dispositif ce qui est utile. Par contre, on cherchera vainement dans ce texte la détermination de qui est l’autorité environnementale. Cette question, qui fait l’objet d’une demande préjudicielle du Conseil d’État à la Cour Européenne de justice a donné lieu à toute une série d’annulations en particulier des schémas régionaux éoliens. Affaire à suivre donc.
Patrimoine-Environnement veille pour vous dans son observatoire particulier. Nous n’avons pas quitté notre poste de vigie en juillet et en août comme vous pouvez le constater. Nous espérons que quant à vous, vous avez passé de bonnes vacances caniculaires !
Alain de La Bretesche
Président de Patrimoine-Environnement
Administrateur du Mouvement associatif (Conférence Permanente des Coordinations Associatives)
Administrateur d’’Europa Nostra