Voyage sur la colline éternelle (retour sur l’atelier de Vézelay et perspectives)

« La colline éternelle » Maurice Druon avait fait de ces mots le titre d’un livre. Des remparts de Vézelay quand on regarde au loin depuis la tour qui surplombe la Porte Neuve ce sont les mots de Romain Rolland qui  reviennent facilement en mémoire : « Du sommet de la colline, on voit les vagues allongées des montagnes boisées, par cinq ou six rangées : on dirait une mer».

Peut-être qu’il y a des millions d’année, la mer s’est aventurée jusqu’à Vézelay. Ce qui est certain c’est qu’au fil des derniers siècles on y a construit une abbaye et autour de l’abbaye une ville, et autour de la ville des remparts.

La basilique de la Madeleine qui a remplacé l’abbatiale est en cours d’une importante restauration : Fréderic Didier, architecte en chef des monuments historiques n’a pas craint de mettre son crayon dans le trait de celui de Viollet le Duc : et dans la phase aujourd’hui terminée les parties peintes de la crypte sont restituées et mises en valeur. C’est l’État et son argent qui officient. Mais on nous a dit que les débats avec le public n’ont pas été négligeables, ni négligés.

Les remparts : c’est une autre histoire.

À qui appartiennent-ils ? Depuis que le roi avait décidé que Vézelay n’était plus une place de guerre, la question était régie par le code civil, héritier sur ce point des normes de la monarchie. Mais un beau jour de 2006, en édictant un Code de la propriété publique, l’Etat – par ordonnance comme il se doit – a abrogé ces articles du Code civil, manifestement sans aucune étude d’impact préalable quant aux conséquences de la création de ce vide juridique !

Or pour savoir qui paye, il faut savoir qui est le propriétaire. Et dans quelle poche ce propriétaire trouve les espèces sonnantes et trébuchantes pour réparer les remparts. C’est la problématique qui, à la demande de l‘Association « Vie et Patrimoine à Vézelay », membre de Patrimoine-Environnement et à l’invitation du Maire, a conduit notre équipe à venir débattre sur la colline avec d’autres représentants des Villes à Remparts : Loches, Vitré, Autun…

Nous avons constaté ensemble que la situation juridique de la propriété était rien moins que floue.
La solution adoptée à Loches, consistant à éluder pragmatiquement la question juridique pour créer sous l’égide du préfet une convention permettant une solution financière a beaucoup intéressé les participants. De même la proposition du délégué régional de la Fondation du Patrimoine, Monsieur Bedel,  consistant à donner à bail emphytéotique à une association unique les remparts, en particulier soutènements de propriétés privées ou sensés appartenir à un particulier, pour rechercher un financement participatif méritera d’être creusée. Et puis, la présence d’une équipe de l’Union Rempart conduite par son président national a permis de partager l’expérience des chantiers de bénévoles venus porter main forte aux Vézeliens.

Dans une ville comme Vézelay qui compte 450 habitants environs et dont les ressources sont prélevées sur 90 foyers fiscaux de sorte que la commune vit d’expédients comme le stationnement payant, il n’est pas question que la municipalité subventionne les particuliers.

Naturellement les remparts ne sont pas la seule souffrance de la célèbre commune : certes il y a 450 habitants mais 900.000 touristes chaque année et pourtant il n’y a pas de boucher à Vézelay et l’hôtellerie est réduite à sa plus simple expression. Telles les cohortes japonaises les visiteurs montent à la basilique et rentrent à Paris.

Ces villes à remparts sont donc de parfaits exemples de la situation du Patrimoine en France : des crédits d’État limités, des financements régionaux et départementaux difficiles, des municipalités courageuses mais au bord du gouffre et un potentiel économique riche dans son évidence mais non exploité faute de capacité d’investissement.

Nous allons tenter de poursuivre notre travail juridique, de continuer le partage avec les villes pourvues de remparts et de nous faire avec d’autres les interprètes nationaux de ces désespoirs ou de ces espoirs !

« Je m’appelle Zangra » chantait Jacques Brel et déjà colonel au fort de Bellonzio qui domine la plaine d’où l’ennemi viendra qui me fera héros….. » Mais, à Vézelay, à Dinan, à Loches, ou  à Autun, l’ennemi ne viendra plus et les élus locaux n’ont plus envie de raser ces ouvrages de guerre pour créer leurs faubourgs : pour faire des héros il faudra donc d’autres espoirs de victoire. Vous avez dit « Patrimoine » !

Alain de La Bretesche

Président de Patrimoine-Environnement
Administrateur du Mouvement associatif (Conférence Permanente des Coordinations Associatives)
Administrateur d’’
Europa Nostra