Conseils avisés et sagesse assurée : rencontre avec Pierre Rosenberg

 

Doit-on encore présenter Pierre Rosenberg ? Conservateur puis président-directeur du Musée du Louvre de 1994 à 2001, élu à l’Académie française en 1995, ce spécialiste du dessin et de la peinture française et italienne des XVIIe et XVIIIe siècles – notamment de Nicolas Poussin, Antoine Watteau et Jacques-Louis David – est une figure des plus prestigieuses de l’Histoire de l’Art.

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Membre d’honneur de l’Observatoire du Patrimoine Religieux, Pierre Rosenberg donne cette année son parrainage à l’opération menée par les étudiants de la Junior Entreprise de l’Ecole du Louvre « Le Plus Grand Musée de France ».

Pierre Rosenberg a accepté de répondre à nos questions et pose son regard averti sur le secteur du patrimoine, les évolutions des professions qui s’y rattachent et la relève que représentent notamment les étudiants de l’Ecole du Louvre.

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Pensez-vous que le métier de conservateur soit une profession d’avenir ?

Pierre Rosenberg : La profession de conservateur est un magnifique métier pour lequel il y a des débouchés. Il y aura toujours des gens qui, n’ayant pas réussi à percer dans cette voie, vous diront que les perspectives sont fermées, mais ce n’est pas vrai. D’autant plus que la profession évolue,  les compétences des conservateurs se sont multipliées ces dernières années et sont de plus en plus variées.  S’ils sont débarrassés des tâches techniques qui étaient à leur charge autrefois, de nouvelles tâches leurs incombent – notamment administratives. Les conservateurs sont également face à un changement fondamental : l’éphémère, c’est-à-dire les expositions, a pris la place du permanent, c’est-à-dire les collections. Contraints de proposer de plus en plus d’expositions – il faut bien le dire, aujourd’hui l’un des seuls moyens d’attirer du monde dans les musées – les conservateurs se sentent par là même de plus en plus éloignés de leurs collections. Par chance, ce métier laisse une grande liberté et une large possibilité de choix. Ce qui est désolant en revanche, c’est l’ « abandon » des conservateurs de province au profit de Paris où la culture demeure très centralisée.

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Au vue des problématiques de globalisation et surtout d‘interdépendance que vous connaissez bien (création du Louvre d’Abu Dabi, création du Louvre-Lens…)
– pensez-vous que la formation dispensée à l’École du Louvre permette de répondre aux besoins nouveaux des musées (mécénats, mondialisation, démarches commerciales…) ?

P. Rosenberg : La formation de l’École du Louvre est excellente. Elle doit se compléter par un enseignement universitaire (à Paris I, Paris IV, Nanterre…) ainsi que par une fréquentation régulière du marché : salles de ventes et marchands, marchés aux puces par exemple. Acquérir une formation pratique est fondamental car le métier de conservateur est un métier pratique, qui nécessite le contact, véritablement matériel, avec les œuvres. Il faut garder en tête que l’une des tâches essentielles du conservateur est d’enrichir sa collection. Cela nécessite au préalable une véritable prise de conscience de ce qu’est une œuvre d’art, chaque acquisition est une prise de risque. Le marché a toujours été l’une des trois composantes du travail du conservateur avec le musée et la collection. C’est une parfaite complémentarité entre ces trois pôles qui permet le bon fonctionnement et la bonne gestion d’un musée.

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Vous donnez cette année votre parrainage à la deuxième édition du « Plus Grand Musée de France » organisée par les étudiants de l’École du Louvre Junior Conseil, comment voyez-vous cette initiative ?

P. Rosenberg : Je soutiens absolument cette excellente initiative. La conservation du patrimoine ne se limite pas au patrimoine des musées et des grands monuments religieux. Elle intègre le petit patrimoine et les œuvres oubliées qui nécessitent protection, conservation et restauration. L’initiative des étudiants du plus Grand Musée de France s’inscrit dans cette optique : alors qu’il n’est que très peu connu, ces jeunes nous invitent à découvrir notre patrimoine. Cette méconnaissance est d’ailleurs un véritable problème en France où l’Histoire de l’Art n’est quasiment pas enseignée dans le secondaire : les Français sont ignorants dans ces domaines – beaucoup plus qu’on ne le croit – à la différence des Italiens qui, eux, ont un enseignement de l’Histoire de l’Art au lycée et au collège. En France, on apprend à lire mais pas à regarder. Tout ce que l’on fait pour attirer l’attention sur le patrimoine, avec l’aide des musées ou non, est une très bonne chose. Les musées ont souvent la mauvaise réputation d’être rébarbatifs, c’est très important qu’ils ne soient pas les seuls garants de notre patrimoine. Il y a les institutions d’un côté et les initiatives privées de l’autre : cette complémentarité est indispensable. Toutes les initiatives en faveur du patrimoine, « petit » et « grand » sont à encourager !

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