Entretien avec Serge Nicole, président d’Ateliers d’Art de France, organisateur du Salon International du Patrimoine Culturel
Innovation, valorisation et préservation : le patrimoine culturel et les métiers d’art entre de bonnes mains.
Entretien avec Serge Nicole, président d’Ateliers d’Art de France, organisateur du Salon International du Patrimoine Culturel
A quelques jours seulement de l’ouverture du 19ème salon International du Patrimoine Culturel, Serge Nicole, président d’Atelier d’Art de France qui organise ce salon depuis 2009, a accepté de répondre à nos questions…
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– Le Salon International du Patrimoine Culturel présente dans deux jours sa dix-neuvième édition : pouvez-vous nous expliquer quelle fut la motivation à l’origine de sa création et quelle est son ambition aujourd’hui ?
Serge Nicole : Depuis 1995, dans le cadre prestigieux du Carrousel du Louvre, le Salon International du Patrimoine Culturel est le rendez-vous annuel d’une profession qui œuvre avec une détermination sans faille, pour la sauvegarde du patrimoine, qu’il soit bâti ou non bâti, matériel ou immatériel.
Ateliers d’Art de France est devenu propriétaire du Salon International du Patrimoine Culturel en 2009. Notre but était de poursuivre l’action engagée et d’insuffler une nouvelle dynamique. A travers ce salon, notre intention est de faire connaitre et de sensibiliser les visiteurs, professionnels et amateurs, à la nécessité sociale et économique de préserver cette richesse culturelle qui caractérise les métiers d’art, de restauration, d’entretien, et de conservation du patrimoine. L’enjeu de développement économique du secteur est également prégnant, la sauvegarde de nos entreprises détentrices de savoir-faire exceptionnels est au cœur de notre démarche. Le salon a aussi un rôle fédérateur, puisqu’il réunit tous les secteurs de la vie patrimoniale : restaurateurs et entreprises d’art, prescripteurs et maîtres d’œuvre, collectivités territoriales et institutionnels, associations, écoles, éditeurs, presse…
La sauvegarde de notre patrimoine culturel est essentielle pour le secteur des métiers d’art. Il représente le lien avec notre passé, avec notre histoire. L’identité artistique et culturelle de la France s’est forgée dans cette lignée. J’irai même plus loin, préserver nos racines, est indispensable au processus de création. En ce sens l’enjeu d’innovation passe par un préalable qui est la préservation de notre patrimoine culturel ! En reprenant les rênes du salon, nous avions parfaitement conscience de ces enjeux, le salon était en difficulté à l’époque, et notre volonté a été de veiller sur son destin afin d’en assurer la pérennité et le développement, au bénéfice de toute la communauté des métiers d’art.
L’accroissement de la fréquentation en 2011, confirmé en 2012, prouve que nous étions dans le juste. L’appétence du public pour nos métiers est réelle, nous allons continuer dans cette voie afin de donner au secteur du patrimoine culturel la visibilité qu’il mérite.
Avec cette nouvelle édition, riche en nouveautés, le Salon International du Patrimoine Culturel s’affirme comme la manifestation de référence de ce secteur d’activité.
– Cette année, le Salon propose trois nouveaux espaces : un premier dédié à la joaillerie et à l’orfèvrerie, un autre consacré au marché de l’art et enfin un espace formations / démonstrations. Comment voyez-vous l’évolution du Salon ? Quel est son avenir ?
Serge Nicole : Depuis que nous avons repris le salon, nous proposons chaque année des nouveautés, animés par le besoin d’innover. Depuis 2011 par exemple nous avons choisi de mettre en exergue les savoir-faire au cœur du Salon. Les démonstrations d’art de plus en plus nombreuses, permettent aux professionnels d’expliquer et de montrer leur tour de main en multipliant les échanges avec le public. De plus, le Salon continue activement d’affirmer sa dimension internationale, nous avons cette année 15 pays représentés dont de nouveaux venus comme Taiwan et les Etats-Unis.
Dans une dynamique d’amélioration continue, le salon ambitionne de représenter et fédérer le meilleur des entreprises et des actions patrimoniales non seulement françaises mais aussi internationales. Nous voulons informer et former les générations à venir, transmettre les savoir-faire, sensibiliser toujours plus le public sur l’importance de notre patrimoine comme héritage culturel.
Répondre au mieux aux attentes des visiteurs et des exposants est primordial. Nos exposants ont d’ailleurs souligné la qualité des visiteurs et leur intérêt pour nos métiers lors de la dernière édition.
– Quelle est la place des associations du patrimoine au sein de cet événement international ?
Serge Nicole : Pour la première fois en 2011, les associations nationales de défense du patrimoine (regroupées sous l’intitulé « G8 patrimoine ») reconnues d’utilité publique ont présenté une intervention commune autour du thème de cette édition. Depuis, chaque année ces associations renouvellent cette conférence commune qui remporte un fort succès.
Fidèles exposants au salon, les associations du G8 représentent un pilier fondateur. Leur présence est un vecteur essentiel pour transmettre le message clé du salon : sensibiliser sur la préservation et la sauvegarde de notre patrimoine. Dans cette optique, depuis plusieurs années notre collaboration s’est étendue à la mise en commun de nos réseaux respectifs, ce qui permet de faciliter l’accès au salon à bon nombre de professionnels.
– Vous êtes président d’Ateliers d’Art de France (organisateur du Salon) depuis 2006. Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste votre combat pour faire reconnaître les métiers d’art ?
Serge Nicole : Depuis mon élection à la tête d’Ateliers d’Art de France, nous travaillons sans relâche afin que les métiers d’art bénéficient de toute la reconnaissance et la visibilité qu’ils méritent.
Pour atteindre cet objectif, nous avons déployé ces dernières années une série d’actions structurantes destinées à porter la voix des professionnels et à fédérer autour d’enjeux partagés la communauté des métiers d’art.
– Il est évident que le rachat en 2009 du Salon International du Patrimoine Culturel qui a permis de rallier les métiers d’art de restauration à ceux de la création fait totalement sens dans cette perspective.
– la publication régulière de l’Observatoire des métiers d’art, toute première étude chiffrée sur le secteur, y contribue également. Il est primordial de bien se connaitre pour penser et réaliser l’avenir de notre secteur.
– la création en 2011 de la Fondation Ateliers d’Art de France, première fondation dédiée aux métiers d’art créée par des professionnels, a pour objectif de dévoiler toute l’inventivité des métiers d’art et de création et de les inscrire dans la réalité sociale de ce qu’ils sont aujourd’hui dans la société civile, une force créative aux enjeux économiques bien réels.
– le lancement en 2012 de l’Union Nationale des Métiers d’Art, sous l’impulsion d’Ateliers d’Art de France. Cette union des fédérations professionnelles du secteur cherche à faire éclore les revendications de la profession afin d’avancer sur les grands dossiers des métiers d’art : obtention d’un statut spécifique, amélioration du régime fiscal, etc.
Enfin, 2013 marque le point d’orgue de cette stratégie avec le lancement de Révélations, la biennale internationale des métiers d’art et de création. Véritable consécration, elle a accueilli mi-septembre plus de 33 000 visiteurs sous la nef du Grand Palais, levant le voile sur la force de création des métiers d’art, leur vitalité et les valeurs qu’ils portent. Preuve, s’il en fallait, de l’intérêt du grand public pour ce secteur.
– Où en est cette « espèce en voie de disparition », selon votre formule, que sont les métiers d’art ?
Serge Nicole : Et bien elle est bien vivante ! Bien sûr que le modèle des métiers d’art, singulier par essence est fragile. De surcroit le contexte actuel de mondialisation des échanges, favorisant la standardisation et l’uniformisation, a eu un impact sur notre secteur. Mais force est de constater que dans cet environnement de crise généralisée, des opportunités nouvelles font jour. Notre communauté se caractérise par un fort optimisme dans l’avenir de nos professions, car le public est présent aux rendez-vous que nous lui fixons.
La dynamique que nous insufflons, le modèle économique plus vertueux que nous proposons, et les valeurs humaines qui sous-tendent le projet politique que nous portons correspondent à un besoin ressenti par chacun de nous dans la société civile, de donner plus de sens à nos actions.
Ces dernières années, les métiers d’art se sont fédérés en une communauté unie autour de valeurs partagées, avec la ferme intention de faire reconnaitre son rôle sociétale et économique et de porter haut et fort un message d’espoir et d’avenir pour les générations futures.
Si l’économie de nos ateliers reste fragile, nous vivons un moment historique pour les métiers d’art qui se caractérise par l’aboutissement du processus d’émancipation entrepris ces dernières années.
Des événements phares, comme Révélations, ont ainsi participé à inscrire nos métiers dans l’avenir, à faire reconnaitre leur richesse, à déployer leur visibilité et leurs perspectives futures.
Aujourd’hui, le combat n’est pas terminé, nous devons consolider, pérenniser l’œuvre jusqu’ici réalisée.
– Vous avez organisé le Salon Révélations, en septembre dernier au Grand Palais, consacré à la création contemporaine et aux savoir-faire : expliquez-nous en quoi il consiste ? Quelles synergies ou quelles divergences existent entre ces deux événements internationaux ?
Serge Nicole : Révélations est LA biennale internationale des métiers d’art et de la création. Elle se tient dans un écrin emblématique : le Grand Palais, et s’adresse aussi bien au grand public amateur d’art, qu’aux collectionneurs, prescripteurs et professionnels français et étrangers. Révélations, c’est un événement économique et culturel, qui révèle la force de la création contemporaine à l’œuvre dans les ateliers. Ces artistes de la matière ouvrent des voies nouvelles à l’art d’aujourd’hui.
Quant au Salon International du Patrimoine Culturel, il s’adresse au grand public passionné du patrimoine, propriétaires de grandes demeures et aux professionnels. Si on y retrouve en effet de nombreux artisans d’art, ce sont principalement des artisans d’art de restauration alors que Révélations présente les métiers d’art de création, mais dans ces deux rendez-vous internationaux ce sont bien les métiers d’art qui sont mis à l’honneur !
– Le design a-t-il sa place dans l’un de ses deux salons ?
Serge Nicole : Il ne s’agit pas de savoir si le design a ou non sa place dans tel ou tel salon. Que vous soyez artisans d’art, designers, ou plasticiens, vous êtes créateurs et vous avez évidemment votre place dans un lieu qui célèbre la création !
– Cette année, le Salon a pour thème « Patrimoine et Territoires » : quelles sont les synergies entre le patrimoine culturel et le développement des territoires ? Comment expliquez-vous la nécessité de la décentralisation ? Où en est-on de la décentralisation des territoires ?
Serge Nicole : Un lien évident et fort existe entre le patrimoine et le développement des territoires et c’est ce que nous voulons mettre en lumière pour cette 19e édition.
Ce thème a pour but de mettre en évidence l’importance de la conservation du patrimoine dans une politique économique et sociale locale, nationale ou internationale. La valorisation d’un patrimoine a des répercussions économiques et sociales directes que ce soit sur l’image du territoire, l’augmentation de sa valeur, le développement du tourisme ou tout simplement le renforcement du sentiment de fierté d’appartenance au territoire concerné. Tous les acteurs territoriaux seront représentés : les territoires administratifs (régions, collectivités…), les territoires économiques (bassins de matières, pays…) et les territoires culturels (routes et itinéraires).
Aujourd’hui, les pouvoirs publics manifestent une réelle volonté en faveur d’un aménagement culturel équilibré et durable du territoire. Cette politique d’aménagement et de préservation du territoire est au cœur des débats. Un certain nombre de lois en ce sens ont vu le jour depuis plusieurs années, par exemple sur le développement des territoires ruraux qui prévoit des mesures en faveur du tourisme, de la revitalisation et du développement économique de ceux-ci. Dans la continuité de cette loi, « la remise en capacité des territoires notamment par le développement de leurs activités économiques locales » fait l’objet d’un projet de loi qui devrait être proposé fin 2013.
Cette politique a pour but de renforcer l’attractivité des territoires avec la rénovation du patrimoine bâti par exemple. Elle permet aux territoires de se développer à travers la mise en valeur de leurs ressources culturelles (langue, savoir-faire, traditions…).
– Le patrimoine de pays est-il aussi bien représenté que les métiers d’art sur le salon ?
Serge Nicole : Depuis quatre ans, nous avons veillé attentivement à respecter les deux facettes des métiers du patrimoine. La quasi-totalité du secteur de la restauration mobilière : doreurs, ébénistes, passementiers, restaurateurs de tableaux… côtoie les experts en restauration du patrimoine bâti qui sont les charpentiers, les tailleurs de pierres… C’est donc un salon équilibré, tous les acteurs de la chaine de valeur du patrimoine sont présents, ce qui en fait son caractère unique et passionnant à la fois !