Les tours vont-elles entrer dans Paris ?
Le 3 octobre dernier, dans un communiqué publié par l’Agence France Presse, Monsieur Francesco Bandarin, sous-directeur général de l’UNESCO pour la culture en charge du Patrimoine mondial, a vivement critiqué la politique du Conseil de Paris en matière de construction en hauteur.
« L’idée de densifier en hauteur, c’est une fausse idée. Une tour, parce qu’elle a besoin de beaucoup de services, de parkings, n’est pas plus dense qu’une ville compacte. Une tour c’est quand même une machine qui consomme beaucoup d’énergie : les ascenseurs, l’eau qu’on pompe : vous ouvrez un robinet au dernier étage et l’eau doit être pompée sur 180 mètres. Ce n’est pas un bon modèle. Ce n’est pas le futur. [… Paris] est la ville la plus dense : c’est plus dense qu’à New York grâce à cette formule à six étages ».
Aussitôt les listes candidates aux prochaines municipales se sont emparées du sujet.
Rappelons que pour l’instant, trois chantiers sont ouverts dans le champ de cette politique : la tour destinée à devenir le Palais de justice de Paris aux Batignoles, la tour Triangle à la porte de Versailles et la tour Masséna encore appelée projet Duo.
Outre les aspects esthétiques et architecturaux concernant le projet de Palais de justice, celui-ci pose le problème du financement de ce type de bâtiment gigantesque par un partenariat public-privé : Bouygues, opérateur de ce chantier, paye une somme colossale pour la construction et encaissera ensuite des sommes non moins colossales en louant le bâtiment au ministère de la Justice.
Les autres projets, et en particulier la Tour dite Masséna, sont une occasion de mettre en avant la procédure de concertation et de consultation du public. En gros, la ville de Paris qui a décidé des principes de libération de la construction en hauteur en 2008 modifie le PLU par petits bouts en utilisant la procédure de révision simplifiée quartier par quartier, ce qui lui évite un débat général sur une politique globale.
Il est normal que l’Unesco, qui a inscrit une partie de Paris sur la liste du patrimoine mondial et par conséquent a reconnu la « Valeur Universelle Exceptionnelle » de ce territoire, s’inquiète des modifications substantielles que les tours feraient subir à une ville construite dans la hauteur maximale de l’univers haussmannien.
Il est clair que les conditions financières de construction par partenariat public-privé se présentent de plus en plus comme une aberration économique pour le budget de l’État.
Mais nos associations demandent avant tout que les habitants dont le cadre de vie sera profondément modifié puissent, dans un vrai débat démocratique, se prononcer sur une politique d’ensemble : tel n’est évidemment pas le cas des révisions partielles du PLU.
En attendant que le débat ait lieu pendant la campagne électorale entre : les verts, partisans d’un moratoire, la droite opposée aux tours et la majorité actuelle du Conseil de Paris qui considère le problème comme réglé, c’est le juge qui aura le pouvoir de geler le processus puisque toutes les tours fond l’objet de contentieux. Encore le pouvoir du juge dira-on ! Mais est-ce de la faute du juge si le vrai débat, au sens de l’article 7 de la Charte de l’environnement, n’a pas eu lieu ?
Alain de la Bretesche
Président-délégué de la Fédération Patrimoine-Environnement
Président de la COFAC (Coordination des Fédérations des Associations de Culture et de Communication)
Administrateur de la Conférence CPCA (Conférence Permanente des Coordinations Associatives)
Administrateur d’Europa Nostra