2020 célèbre les Trognes !

Cette année, la 23e édition des Journées du Patrimoine de Pays et des Moulins met à l’honneur l’arbre, sa vie, ses usages… 2020 célébrera également les Trognes, mises en lumière un peu partout en France.

Sureau Sambuscus en trogne arbre têtard près de Lille © Lamiot

Cette année sera l’occasion de découvrir ou redécouvrir ces arbres particuliers lors de conférences, de projections, démonstrations de taille, plantations et expositions… apprendre à voir ces arbres du passé comme des arbres d’avenir.

Mais qu’est-ce qu’une Trogne ?

Les trognes sont des arbres (le plus souvent des feuillus) auxquels on a coupé une partie du tronc ou les branches maîtresses pour provoquer le développement de rejets que l’on récoltera.
Ce mode de gestion arboricole s’inspire d’une étonnante capacité qu’ont certains arbres à réitérer. C’est-à-dire à reformer une partie de leur structure en cas de casse ou coupe venant endommager les branches. Grâce à la présence de bourgeons dormants ou adventifs, ils reconstituent sur le même modèle les parties endommagées. Parallèlement se forment des bourrelets qui viennent recouvrir et renforcer la structure fragilisée.
Créée sur un jeune arbre, la trogne, l’arbre têtard, l’émonde, la ragosse ou l’escoup offre une cueillette qui peut durer des siècles. Cette pratique connue depuis au moins 3 000 ans, présente de multiples avantages : elle permet de mettre hors de portée de la dent des herbivores, la ressource que produit l’arbre : le bois. La production de bois d’un arbre taillé en trogne est en effet bien plus importante.
L’exemple du chêne offre une panoplie de formes qui montre comment les paysans exploitant les haies du bocage, ont su tirer parti de la plasticité de cette essence. De l’émonde élancée de Bretagne à la plesse solognote horizontale, en passant par le têtard simple et celui à plusieurs têtes, chaque forme est le résultat d’une histoire et d’une production régulière (liens, rameaux de vannerie, rames, boutures, perches, piquets, chevrons, solives, poutres, fagots, charbonnette, bois bûche, bois figuré, fourrage, fruits…), d’une relation paysanne à son environnement et à son exploitation.

L’évolution du système agricole a progressivement fait disparaître les haies et par conséquent, les trognes les composant. Les agriculteurs ont globalement délaissé cette technique lorsque la mécanisation de l’agriculture a pris son essor. Cette mécanisation s’est accompagnée d’un agrandissement des parcelles et de remembrements, pour le maniement d’engins de plus en plus gros. En même temps, les énergies fossiles bon marché ont déprécié la valeur du bois, qui dans ce domaine particulier, demande beaucoup de travail manuel.
Les trognes présentent aujourd’hui un fort intérêt culturel et patrimonial, puisqu’elles sont les représentantes d’une activité humaine ancestrale et par conséquent les marqueurs d’un paysage rural et de son mode de gestion.

Enfin, il est important de considérer le rôle écologique qu’elles ont jouées dans les linéaires de haies et qu’il est primordial aujourd’hui de voir réapparaitre. Par la présence de nombreuses cavités, elles offrent un potentiel d’accueil pour la faune et la flore. Les espèces peuvent y trouver de la nourriture, un refuge, voire pour certaines un site de nidification. Les trognes sont également importantes pour l’accueil des abeilles domestiques, dont on va trouver des souches sauvages dans les cavités présentes au cœur du paysage bocage.

Illustration du principe de taille d’une trogne © Dominique Mansion

Après plus d’un demi-siècle d’abandon, que sait-on de ces arbres vieillissants, dépérissant, tordus et biscornus ? Où et comment les créer ? Quand et comment les tailler ? Pourquoi et comment les valoriser ?…
Malgré une prise de conscience réelle, beaucoup de travail reste à accomplir en termes de diffusion de la connaissance et de réalisations concrètes, de reconquête de l’arbre dans l’espace et dans les esprits.

À l’heure du développement durable, où l’on cherche des solutions pour produire plus tout en préservant les ressources naturelles, l’arbre têtard offre un modèle de production simple, efficace et reproductible à volonté ? La réappropriation et la valorisation des arbres champêtres constituent l’un des défis majeurs que nous devons relever et la trogne en est une expression performante. À lui seul l’arbre têtard peut satisfaire des objectifs combinés et couvrir des besoins à la fois économiques, écologiques et esthétiques.

Le contexte politique est aujourd’hui plus favorable aux arbres : soutien à l’installation de systèmes agro-forestiers, évolution de la conditionnalité des aides agricoles, certification environnementale des entreprises agricoles, Plan Objectif Terres 2020, Stratégie Nationale pour la Biodiversité, Trame Verte et Bleue du Grenelle de l’Environnement.
Cette prise de conscience se traduit dans diverses innovations, et passe par la poursuite d’un incessant travail d’inventaire, de protection, de connaissance, d’information, de recherche et de développement. Les villes et les campagnes ont plus que jamais besoin d’arbres.

Il est urgent d’anticiper une gestion durable et de mettre en œuvre des technologies appropriées.

Camille Pessemier,
Paysagiste

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