Utilité publique et principe de précaution : débat sous haute tension

ligne THT Cotentin-MainePar une décision du 12 avril 2013, le Conseil d’Etat refuse l’annulation de la déclaration d’utilité publique de la ligne de haute tension Cotentin-Maine et fixe les principes de contrôle du principe de précaution dans ce type de projet.

Le cas de la ligne THT Cotentin-Maine

Suite à la décision d’EDF de construire un nouvel EPR (European  Pressurized Reactor – réacteur pressurisé européen) sur le centre de production d’électricité de Flamanville (Manche), un projet de ligne à haute tension de plus de 150 kms est lancé et validé  par le Ministre en charge de l’industrie le 10 janvier 2005. Cette ligne baptisée « Cotentin-Maine » comprend 414 pylônes et traverse 64 communes entre le secteur de Périers (Manche) et le secteur de Laval (Mayenne), plus au sud. Elle acheminera l’électricité produite par le futur réacteur EPR de Flamanville. Le 25, juin 2010, un arrêté ministériel déclarait d’utilité publique les travaux de création de la ligne.

De nombreuses associations de protection  de l’environnement, des collectivités locales, communes, établissements publics de coopération intercommunale et particuliers ont demandé l’annulation de cet arrêté au motif qu’il ne respectait pas le principe de précaution garantie par l’article 5 de la Charte de l’environnement et l’article L.110-1 du Code de l’environnement.

Selon eux, le respect du principe de précaution faisait obstacle à la réalisation de la ligne « Cotentin-Maine » en raison des risques sur la santé des riverains.

Mais le 12 avril dernier, l’arrêt de principe rendu par le Conseil d’Etat rejette leurs requêtes et appuie la jurisprudence de la Haute juridiction administrative concernant les modalités de contrôle du respect de principe de précaution par les actes déclaratifs d’utilité publique.

Principe de précaution et déclaration d’utilité publique : le consensus

La décision du Conseil d’Etat sur cette affaire confirme l’étendue du champ du principe de précaution qui doit être levé en cas de « risque de dommage grave et irréversible pour l’environnement » de même qu’en cas d’ « atteinte à l’environnement susceptible de nuire de manière grave à la santé ».

Il est clairement explicité qu’une opération  qui méconnait les exigences du principe de précaution ne peut jamais être déclarée d’utilité publique. Ainsi, la Haute Juridiction doit s’assurer du respect de ce principe par un contrôle en trois étapes :

  • Tout d’abord, il lui appartient de « rechercher s’il existe des éléments circonstanciés de nature à accréditer l’hypothèse d’un risque de dommage grave et irréversible  pour l’environnement ou d’atteinte à l’environnement susceptible de nuire de manière grave à la santé », un risque « qui justifierait, en dépit des incertitudes subsistant quant à sa réalité et à sa portée en l’état des connaissances scientifiques, l’application du principe de précaution. »
  • L’autorité de l’Etat doit par la suite  « veiller à ce que des procédures d’évaluation du risque identifié soient mises en oeuvre par les autorités publiques ou sous leur contrôle. »
  •  Enfin, il lui incombe de « vérifier que (…) les mesures de précaution dont l’opération est assortie afin d’éviter la réalisation du dommage ne sont ni insuffisantes ni excessives », c’est-à-dire vérifier l’absence d’erreur manifeste dans le choix des mesures de précaution.

L’application au cas de la ligne Cotentin-Maine 

Dans le cas de l’affaire dite « Association coordination interrégionale Stop THT et autres », le Conseil d’Etat a reconnu que le risque de leucémie chez l’enfant en cas d’exposition résidentielle aux champs électromagnétiques  représentait une « hypothèse suffisamment plausible » pour justifier l’application du principe de précaution. Cependant, il  a estimé dans un même temps que le maître d’ouvrage, RTE (Réseau de Transport d’Électricité), avait pris les mesures qui s’imposait : après avoir informé le public sur les risques potentiels, il a pris l’engagement de racheter les habitations situées à moins de cent mètres de la ligne. Des procédures d’évaluation des risques ont également été mises en œuvre : dispositif de surveillance et de mesure des ondes électromagnétiques, suivi médical après mise en service de la ligne… Ainsi, en vertu de ces remarques, la déclaration d’utilité publique a été accordée sans violation du principe de précaution malgré les 75 procès dont elle est l’objet !

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