Polémiques dans le Morvan : quand la préservation de la planète entre en conflit avec la protection du patrimoine naturel

Morvan ZADLa région Bourgogne est en plein débat. Entre le projet d’incinérateur aux portes du parc régional naturel du Morvan et l’avancement des projets éoliens, les associations de défense de l’environnement lèvent la voix pour préserver l’écosystème et les paysages de la région… Encore faut-il que ces voix soient prises en compte…

Notre-Dame-des-Bois à l’assaut des promoteurs industriels

C’est dans petit village de Sardy-lès-Epiry (Nièvre) que l’entreprise Erscia (Energies renouvelables et sciages de France) a choisi d’implanter son futur pôle industriel de 100 hectares comprenant une scierie attenante à une centrale de cogénération et un centre de fabrication de pellets, du combustible issu de la biomasse. Les membres de l’association Adret Morvan, farouchement opposés au projet, pointent les risques de déforestation et de pollutions atmosphériques liées à la cogénération, ainsi que la destruction des industries locales déjà installées. Une occupation s’organise à la lisière du bois du Tronçais, abritant plusieurs espèces protégées, depuis que les premiers déboisements ont été menés le 4 février dernier. Cette ZAD (zone à défendre) prend des airs de Notre-Dame-non pas des Landes mais des Bois comme certains la surnomme. Une pétition comptant 48 000 signatures a été déposée début mars au Conseil régional de Bourgogne. L’une des principales revendications, reprise par nombres d’écologistes, concerne les quantités de bois prélevée : « Le problème est que pour faire tourner cet énorme cogénérateur, ils vont prélever plus de bois qu’il ne faudrait. Le projet ne part pas de la ressource en bois disponible mais de la nécessité de brûler de la biomasse pour obtenir les subventions » explique Philippe Canal, secrétaire départemental du syndicat majoritaire de l’Office nationale des forêts, le SNUPFEN.

Le  développement de la filière bois, un projet pourtant légitime 

Cela n’arrête pas le promoteur, Pascal Jacob, qui considère le Morvan comme la future « Wood Valley » française et promet à la fois la création de 120 emplois directs, la transition écologique et la réindustrialisation de la région. La voie de l’énergie renouvelable apparaît comme une évidence sur ce territoire abritant depuis 1970 un parc naturel régional de 290 900 ha. En effet, depuis une vingtaine d’années, les PNR se sont engagés dans le développement de ces énergies, qu’elles soient hydrauliques, éoliennes ou provenant de la biomasse. Alors que les deux grandes activités qui façonnent les paysages du Morvan, l’agriculture et la sylviculture, sont liées de près ou de loin à la forêt, le bois-énergie se dessine comme l’énergie renouvelable la plus légitime et prometteuse dans la région, d’autant plus que les ressources forestières de la Nièvre sont, selon les porteurs du projet Erscia, sous-utilisées voir sous-valorisées.

Reste à assurer une gestion raisonnable et durable des forêts du territoire…

Dans le Morvan, Parc naturel et énergie renouvelable ne font pas bon ménage

Mais une autre question se pose : quelle type de production d’énergie, si renouvelable soit-elle, accepte-on dans un parc naturel ? A quel moment le facteur « paysage » entre en compte dans le débat ?

Autant de questions qu’ont dû se poser  les élus jeudi 7 mars 2013 à Quarré-les-tombes, haut lieu du patrimoine morvandiau. Lors d’une délibération, le comité syndical auxquels participent des élus du Morvan  ont fixé les conditions de développement de l’éolien : pas de grands projets industriels à grande échelle, mais la porte reste ouverte pour le « petit éolien » à usage domestique : « le territoire du Morvan est plus adapté au petit et moyen éolien, qu’aux parcs industriels ». Il convient se d’interroger : combien mesure le mât d’une éolienne dite « moyenne » ou « petite » ? Rappelons que pour être rentables, les mâts doivent être exposés à des vents d’au moins 6 m/s. Si la vitesse n’est pas suffisante, il faut augmenter la hauteur des mâts. Selon l’ « Atlas éolien de Bourgogne », l’étude du potentiel éolien sur le territoire bourguignon publiée par le Conseil régional de Bourgogne et l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), la Bourgogne est dotée d’un potentiel que l’on peut qualifier de moyen. L’Atlas définit également les espaces les plus favorables comme les collines du Sénonais dans l’Yonne.  Cependant,  le comité scientifique du parc naturel a également dressé une synthèse de la problématique : les résultats sont différents. Il confirme que le gisement des vents est faible en Morvan, que les contraintes paysagères sont très fortes du fait des nombreuses forêts et statue sur : « l’impact négatif de l’éolien en lisière forestière, ceci étant lié au rapport d’échelle au niveau des reliefs ». En tenant compte des bâtiments historiques et des zones habitées, le Parc a dressé une carte des implantations possibles de l’éolien : 10% du territoire est apte à accueillir les mâts, des zones concentrées autour de Saulieu, Avallon et Moulins-Engilbert.

La Charte du Parc 2008-2020 précise que « le développement de l’éolien doit être raisonné, notamment pour respecter les patrimoines naturels, culturels, paysagers et être en accord avec la qualité de vie des habitants et la satisfaction des attentes des visiteurs. Il doit donc reposer sur une démarche territoriale intégrant une concertation et une information de tous… ».

Souhaitons que cette concertation ait bien lieu avec tous ; que la participation du public à l’élaboration de la décision soit réellement effective et non seulement l’apanage des élus qui y voient une source de revenu financier, certes alléchante, mais surement néfaste sur le long terme dans une région aux paysages touristiquement attrayants…

Alors, comment concilier écologie et préservation du patrimoine naturel ; Energie renouvelable et paysage ?

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