L’Hôtel-Dieu de Château-Thierry (02) et ses trésors menacés de vente

Hôtel-Dieu de Château-ThierryAlors que le centre hospitalier de Château-Thierry, propriétaire de l’Hôtel Dieu et de son musée du Trésor de l’Hôtel-Dieu, a décidé de vendre l’édifice et ses collections, le « Front de Défense de l’Hôtel-Dieu » voit le jour pour protéger ce patrimoine castelthéodoriciens.

L’hôtel-Dieu de Château-Thierry : une réhabilitation réussie ?

Fondé au Moyen-Age, en 1304, par la reine de France Jeanne de Navarre, l’hôpital de Château-Thierry remplit ses fonctions sanitaires jusqu’en 1988, date à laquelle le centre hospitalier s’installe au sein d’un nouveau complexe sur les hauteurs de la ville. L’heure est alors à la conscience patrimoniale : en 1992, l’association Arts et Histoire de Château-Thierry voit le jour dans le but d’œuvrer à la réalisation d’un musée au sein des bâtiments. Le musée du Trésor ouvre ses portes en 2010 et expose sa collection unique d’objets et de mobiliers : peintures, sculptures, estampes, faïences, orfèvrerie religieuse, paramentique, mobiliers civils et objets ethnologiques. Géré en collaboration avec trois partenaires : le Centre hospitalier, propriétaires des locaux et des collections, la Communauté de Communes de la Région de Château-Thierry et l’association Arts et Histoire, en charge de l’animation et de la conservation des collections avec le soutien de nombreux mécènes, le musée semble offrir l’exemple d’une reconversion du patrimoine hospitalier réussie.

Les choses se gâtent et une association monte au créneau

Fin septembre dernier, « la vente potentielle des murs de l’Hôtel-Dieu » par la direction du centre hospitalier était confirmée. Le 18 octobre, le Front de défense de l’Hôtel-Dieu voyait le jour et, sans perdre de temps, alertait sur la menace qui pèse sur l’édifice et son musée : « Cette vente, qui pourrait impliquer des modifications, des déplacements, des séparations domaniales voire des démolitions dans le corps et l’architecture du bâtiment, menace également à terme l’accueil des collections contenues dans le musée de l’hôtel-Dieu ; elles doivent absolument rester inaliénables à leur historique lieu de dépôt. Une probable dispersion des collections (une cession a été évoquée par le propriétaire) causerait tout d’abord un important préjudice moral à la population de l’arrondissement de Château-Thierry, puisque ce sont des biens affectés à l’usage direct du public. »

Le Front de défense de l’Hôtel-Dieu, se déclarant partenaire de l’association Arts et Histoire de Château-Thierry, exige le classement au titre des monuments historiques de l’Hôtel-Dieu, jusqu’alors seulement inscrit à l’inventaire supplémentaire (en 2007). Une pétition est lancée ainsi qu’une lettre interpellant la ministre de la Culture Aurélie Filippetti, seule manière d’obtenir une classification d’urgence aux monuments historiques et éviter ainsi l’éparpillement des biens.

Le Front de défense entend faire naître une « véritable ambition culturelle » en développant un projet muséal fort, sensible à l’approche locale (notamment par la valorisation des collections archéologiques, des beaux-arts et des artistes de la région).

La reconversion du patrimoine hospitalier

En avril 2011, nous publions un article consacré à la reconversion du patrimoine hospitalier. Nous y évoquions la réalité de l’inadéquation des bâtiments hospitaliers les plus anciens à l’activité médicale. Les hôpitaux sont la plupart du temps transférés dans des locaux modernes, souvent en périphérie. Nous nous interrogions alors sur le devenir de ces bâtiments : « Faut-il les détruire ou les préserver ? Et, dans ce dernier cas, comment les valoriser ? » et proposions d’analyser différents exemples de valorisations :

la muséification (tel l’ancien Hôtel-Dieu de Charlieu, situé dans la région Rhône-Alpes, reconverti après sa fermeture en 1981 en musée de la soierie et en musée hospitalier ; l’Hôtel-Dieu de Beaune, construit au XVe siècle et classé Monument Historique dès 1862, abritant aujourd’hui des collections historiques d’art et de matériel médical ; ou encore , l’hôpital Saint-Pierre d’Arnay-le-Duc, en Bourgogne, édifié à la fin du XVIIe siècle, reconverti en Maison régionale des arts de la table)

la réaffectation qui implique de transformer l’hôpital pour qu’il se prête à un nouvel usage. Cette reconversion est souvent très controversée tant la possibilité de s’éloigner de la vocation originelle du lieu est grande. Ainsi l’Hôtel-Dieu de Lyon, qui devrait abriter hôtel de luxe, commerces et bureaux, a fait le grand écart d’avec sa vocation originelle : lieu emblématique destiné à la médecine, aux soins et à l’accueil des pauvres…

Il apparaissait clairement que la réaffectation des hôpitaux en lieux culturels semblait bien mieux acceptée et plus respectueuse de notre patrimoine. Qu’adviendra-t-il de l’Hôtel-Dieu de Château-Thierry dont la nouvelle vie avait pourtant si bien démarrée ?

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